Théo Giacometti
Photographe
Immaqa
Nous sommes début janvier partout sur la planète et l’hiver est déjà bien installé dans l’hémisphère nord. Le monde grouille et s’agite, vend, achète et transporte, à toute vitesse. Mais ici, au Groenland, l’agitation semble lointaine. Sur ce territoire glacé, plus grande île du monde, l’hiver protège les hommes des assauts violents du libéralisme. 56 000 habitants, soit à peine plus qu'une commune comme Montauban pour un territoire grand comme quatre fois la France.
Au Nord-ouest du pays, de l’autre côté de la mer de Baffin qui sépare le Canada du Groenland, est plantée une île minuscule : Akunnaaq. Soixante-dix habitants, Inuits, dont la plupart sont chasseurs. Une cinquantaine de petites maisons sur une pointe de rochers face à la mer et dont moins d’une dizaine sont équipées en eau courante. Dehors, des températures plus froides qu’un congélateur, ni route ni arbre à des centaines de kilomètres à la ronde, une école avec moins de dix enfants. Ni hôtel, ni restaurant, ni médecin. Un petit port pris dans les glaces, une conserverie de poissons et une petite épicerie où se côtoient gaiement munitions, sodas et sucreries. Autour, de la neige, de la glace, et la mer encore qui résiste à l’Ouest.
Conséquences concrètes et locales du réchauffement climatique, pratiques traditionnelles de la pêche et de la chasse, revendications nationalistes, désertification des villages et quotidien de l'hiver arctique : la survie de leur village est un enjeu majeur pour la population. 115 habitants en 2013, 70 en 2018, difficile de résister à l'appel des villes pour les jeunes à la recherche d'avenir. Ce village pourra-t-il survivre et défendre sa culture et ses traditions ?
Immaqa, me répond-on. Peut-être.
Ici, vivent en communauté des pêcheurs de phoques, des adolescents accrochés à leur smartphone, une jeune championne régionale de football, un instituteur-écrivain, prêtre luthérien et supporter de l’OM et quelques autres personnages hauts en couleurs.
Manger du phoque ou de la baleine, aller à pied chercher l’eau dans un lac gelé, surveiller chaque jour la banquise prendre dans le petit port de pêche et attendre patiemment l’arrivée de l’hélicoptère de ravitaillement, voilà le quotidien de cette petite communauté coupée du monde plusieurs mois par an.
« La différence entre les gens du Sud et les Inuits, m’a-t-on raconté, c’est que les gens du Sud pensent que la glace n’est que de l’eau gelée. Alors que les Inuits savent très bien que l’eau n’est que de la glace fondue. »
Cette année, la banquise a eu du mal à prendre. À la fin janvier les températures sont même montées jusqu’à -5 degrés soit quelques degrés de plus qu’à Paris le même jour. La glace n’aura pris par endroits que durant quelques courtes semaines.
Et pourtant chaque jour qui passe, Jacob enfourche son ski-doo, franchit le col et se dirige plein sud sur la banquise. Chaque jour, une seule question : la banquise est-elle assez solide ? Pourrons-nous bientôt traverser jusqu'à l'île voisine et rejoindre le « continent » ? Pourrons-nous aller chasser sur des terres plus riches ?
Et chaque jour la glace est encore trop fine et doucement il la tape du bout de son 'tuk' pour en mesurer l'épaisseur. « Trop fin. Demain peut-être, s'il fait plus froid. »
Alors que les territoires arctiques se retrouvent rapidement au centre de nouvelles guerres commerciales et industrielles, notamment avec l’ouverture du passage du Nord-Ouest, l’arrivée des croisières touristiques et les nouvelles autorisations de recherche de ressources pétrolières en mer de Baffin et en mer de Barents, les peuples Inuits peinent à défendre leur culture et leur mode de vie. Une part de plus en plus grande des ressources, en poisson notamment, sont exportées vers l’Europe et les USA via de grandes entreprises danoises. Avec la baisse dramatique de la biomasse, il est de plus en plus difficile pour les habitants du Groenland de maintenir leur régime alimentaire traditionnel. Ils sont donc forcés d’acheter des biens industriels transformés, très coûteux. Et donc d’acquérir de la monnaie, en vendant le peu de poisson qu’il reste. Un cercle infernal pour ces peuples trop souvent oubliés dans les accords internationaux car « exclus » du système économique mondial.
Combien de temps les Inuits pourront-ils tenir face à cette situation infernale ? Après que les colons danois les ai forcés à se convertir à la chrétienté, puis à s’établir en villages sédentaires, dans des maisons occidentales, voilà qu’aujourd’hui le monde moderne écrase le peu qu’il reste de leur culture et de leur mode de vie.
« Participe au grand tout mondialisé, capitalise, achète et revend ou disparait, toi, tes eaux froides et tes phoques, semble-t’on leur crier. »
Au Nord-ouest du pays, de l’autre côté de la mer de Baffin qui sépare le Canada du Groenland, est plantée une île minuscule : Akunnaaq. Soixante-dix habitants, Inuits, dont la plupart sont chasseurs. Une cinquantaine de petites maisons sur une pointe de rochers face à la mer et dont moins d’une dizaine sont équipées en eau courante. Dehors, des températures plus froides qu’un congélateur, ni route ni arbre à des centaines de kilomètres à la ronde, une école avec moins de dix enfants. Ni hôtel, ni restaurant, ni médecin. Un petit port pris dans les glaces, une conserverie de poissons et une petite épicerie où se côtoient gaiement munitions, sodas et sucreries. Autour, de la neige, de la glace, et la mer encore qui résiste à l’Ouest.
Conséquences concrètes et locales du réchauffement climatique, pratiques traditionnelles de la pêche et de la chasse, revendications nationalistes, désertification des villages et quotidien de l'hiver arctique : la survie de leur village est un enjeu majeur pour la population. 115 habitants en 2013, 70 en 2018, difficile de résister à l'appel des villes pour les jeunes à la recherche d'avenir. Ce village pourra-t-il survivre et défendre sa culture et ses traditions ?
Immaqa, me répond-on. Peut-être.
Ici, vivent en communauté des pêcheurs de phoques, des adolescents accrochés à leur smartphone, une jeune championne régionale de football, un instituteur-écrivain, prêtre luthérien et supporter de l’OM et quelques autres personnages hauts en couleurs.
Manger du phoque ou de la baleine, aller à pied chercher l’eau dans un lac gelé, surveiller chaque jour la banquise prendre dans le petit port de pêche et attendre patiemment l’arrivée de l’hélicoptère de ravitaillement, voilà le quotidien de cette petite communauté coupée du monde plusieurs mois par an.
« La différence entre les gens du Sud et les Inuits, m’a-t-on raconté, c’est que les gens du Sud pensent que la glace n’est que de l’eau gelée. Alors que les Inuits savent très bien que l’eau n’est que de la glace fondue. »
Cette année, la banquise a eu du mal à prendre. À la fin janvier les températures sont même montées jusqu’à -5 degrés soit quelques degrés de plus qu’à Paris le même jour. La glace n’aura pris par endroits que durant quelques courtes semaines.
Et pourtant chaque jour qui passe, Jacob enfourche son ski-doo, franchit le col et se dirige plein sud sur la banquise. Chaque jour, une seule question : la banquise est-elle assez solide ? Pourrons-nous bientôt traverser jusqu'à l'île voisine et rejoindre le « continent » ? Pourrons-nous aller chasser sur des terres plus riches ?
Et chaque jour la glace est encore trop fine et doucement il la tape du bout de son 'tuk' pour en mesurer l'épaisseur. « Trop fin. Demain peut-être, s'il fait plus froid. »
Alors que les territoires arctiques se retrouvent rapidement au centre de nouvelles guerres commerciales et industrielles, notamment avec l’ouverture du passage du Nord-Ouest, l’arrivée des croisières touristiques et les nouvelles autorisations de recherche de ressources pétrolières en mer de Baffin et en mer de Barents, les peuples Inuits peinent à défendre leur culture et leur mode de vie. Une part de plus en plus grande des ressources, en poisson notamment, sont exportées vers l’Europe et les USA via de grandes entreprises danoises. Avec la baisse dramatique de la biomasse, il est de plus en plus difficile pour les habitants du Groenland de maintenir leur régime alimentaire traditionnel. Ils sont donc forcés d’acheter des biens industriels transformés, très coûteux. Et donc d’acquérir de la monnaie, en vendant le peu de poisson qu’il reste. Un cercle infernal pour ces peuples trop souvent oubliés dans les accords internationaux car « exclus » du système économique mondial.
Combien de temps les Inuits pourront-ils tenir face à cette situation infernale ? Après que les colons danois les ai forcés à se convertir à la chrétienté, puis à s’établir en villages sédentaires, dans des maisons occidentales, voilà qu’aujourd’hui le monde moderne écrase le peu qu’il reste de leur culture et de leur mode de vie.
« Participe au grand tout mondialisé, capitalise, achète et revend ou disparait, toi, tes eaux froides et tes phoques, semble-t’on leur crier. »